par Robert Simonnet

Pilote d’essai pour Airbus, Gérard a volé sur presque tous les avions

Robert SIMONNET
extrait du journal « Le Perche »  

Durant près de trente ans, Gérard Guyot, mon neveu, a été pilote d’essai chez Airbus. Il a participé aux premiers vols de certains appareils et fait le tour du monde en 48 heures avec un A340.
Gérard Guyot a effectué durant près de trente ans les vols d’essai d’Airbus. Il a cumulé au total plus de 8 000 heures de vol.

Petit, Gérard Guyot se rêvait pilote de ligne. Une mauvaise vue l’empêche finalement de réaliser ce rêve de gamin. « Un mal pour un bien » pour ce retraité de l’aviation, devenu finalement pilote d’essai, qui a vécu une carrière « encore mieux que dans mes rêves. »
De formation d’ingénieur, ce Percheron d’adoption est entré chez Airbus en janvier 1973. Créée trois ans plus tôt, l’entreprise n’en est alors qu’à ses débuts. « Au départ, l’entreprise n’était pas très connue et elle ne vendait pas beaucoup d’avions », se remémore-t-il.
Le métier de pilote d’essai
Gérard Guyot a débuté sa carrière chez l’avionneur européen peu de temps après la création de ce dernier. « À mon époque, on n’était pas très nombreux. Il y a maintenant plus de pilotes d’essai, car Airbus doit livrer beaucoup d’avions dans les prochaines années », confie le retraité. En France, les pilotes d’essai sont formés auprès de l’École du Personnel Navigant d’Essais et de Réception (EPNER), puis au sein de DGA Essais en vol, une administration rattachée à la direction générale de l’Armement. Des étapes obligatoires. « Sans ce parcours, on ne peut pas devenir pilote d’essai », prévient Gérard Guyot. Considéré comme l’un des métiers les « plus pointus et complexes » de l’aéronautique, le pilote d’essai a pour mission de réaliser plusieurs vols d’essai pour tester les prototypes d’aéronef avant leur certification ou la livraison d’un avion à un client.
Connaître l’avion par cœur avant le vol
Avant d’obtenir leur certification et d’être mis sur le marché, les avions doivent cumuler « plus de 2 000 heures de vol ». « Généralement, les tests sont effectués avec deux ou trois prototypes différents », souligne Gérard Guyot.
Il effectue les premiers vols de plusieurs avions de Airbus : le A310 ou encore le A320. « En vol, il y a toujours deux pilotes et un ou deux ingénieurs. Ce sont eux qui sont en quelque sorte les chefs d’orchestre du vol. Ils préparent les plans de vol », signale-t-il.

Au cours de sa carrière, Gérard Guyot a volé sur presque tous les avions d’Airbus. « Je n’ai pas participé aux essais du A380. »
Gérard Guyot aura participé aux premiers vols de plusieurs avions d’Airbus, dont celui du A310.
Avant de monter dans l’appareil pour le premier vol, il y a « trois ans de préparation » notamment avec les membres du bureau d’études. « On suit la création de l’avion de A à Z. Quand le premier vol arrive, on apprend l’avion par cœur. »On fait tout pour minimiser les risques, même si le risque zéro n’existe pas. (Gérard Guyot)

Avant même de monter dans le cockpit, les pilotes d’essai ont d’ailleurs plusieurs heures de vol sur simulateur derrière eux. « On faisait les essais sur simulateur dans des hangars qui faisaient la taille de l’avion. »

Ces entraînements avant les vols ont permis à Gérard Guyot de n’avoir « jamais eu peur ». Au contraire: « Le premier vol est toujours très excitant. »
Grâce à son métier, Gérard Guyot a voyagé partout dans le monde pour promouvoir les avions de son entreprise. « En septembre 1972, nous sommes partis durant six semaines pour effectuer une tournée en Amérique du Sud, puis au Nord avec un prototype du A300 B1. Nous avons refait la même chose en 1974. »
Un tour du monde de 48 heures
Vingt ans après son entrée chez Airbus, Gérard Guyot va même plus loin, en réalisant un tour du monde en 48 heures avec un Airbus A340, le premier quadrimoteur long courrier européen.
Alors également directeur du département des essais en vol à Airbus Industrie, il a organisé ce vol un peu spécial pour mettre en valeur ce nouvel avion. Le vol s’est déroulé durant le salon du Bourget de juin 1993.
On a décollé le jeudi à midi et on est revenu le samedi à midi.(Gérard Guyot)
Pour réaliser cet exploit, plusieurs mois de travail ont été nécessaires afin d’alléger le plus possible l’engin. « On a démonté tout ce que l’on pouvait. Il n’y avait quasiment rien dans l’avion. »
Au final, ce sont 22 personnes qui ont pris place à bord. Quatre pilotes se sont relayés. Il y avait donc Gérard Guyot, mais aussi Bernard Ziegler, Pierre Baud et l’anglais Nick Warner. « Tout s’est très bien déroulé. On a seulement eu une petite inquiétude en y allant, car l’un des moteurs consommait plus d’huile que les autres. »
L’avion n’a ainsi effectué qu’une seule escale à Auckland, en Nouvelle-Zélande. Quatre records, dont la plus grande distance effectuée en un seul vol, ont été établis avec ce tour du monde.
8 000 heures de vol
Gérard Guyot a pris sa retraite en 2000 avec plus de 8 000 heures de vol à son actif. « Pilote de vol d’essai et pilote de ligne sont deux métiers différents. Mais pour moi, pilote de vol d’essai est plus intéressant. J’ai pu voler sur de nombreux avions différents, alors qu’un pilote de ligne, chez Air France par exemple, vole durant dix ans sur le même type d’appareil. »
Gérard Guyot a pris sa retraite de pilote d’essai en 2000, mais il a continué à travailler dans l’aviation jusqu’en 2013. ©Le Perche
Gérard Guyot a cependant continué à travailler dans l’aviation durant treize ans en faisant partie d’un groupe de travail sur les accidents, avec pour objectif de les faire diminuer. « Notre travail était d’analyser les accidents en détail. En dix ans, les accidents ont baissé de 80 %. C’est important de les réduire, car le nombre de vols va doubler dans 20 ans. »

Gérard Guyot pour la SMLH - 2020